Cercle Archéologique
Hesbaye-Condroz
LE RELAIS ROUTIER ROMAIN D’OUTRELOUXHE (MODAVE)
Entre 1997 et 1999, le Cercle archéologique Hesbaye-Condroz a mis au jour les vestiges d’un établissement routier romain au lieu-dit Elmer à Outrelouxhe (Modave), en bordure de la voie Metz-Arlon-Tongres, à 600 m au nord de la petite station romaine de Strée. Plusieurs phases d’occupation et d’aménagement du site ont été observées.
Plan des construction maçonnées. 1, voie romaine ; 2, empierrement du chemin d'accès ; 3, cuve à chaux ; 4, fossé ; 5, grand édifice rectangulaire ; 6, aile sud.
Les premières traces consistent en un chemin légèrement excavé mais doté de profondes ornières. Il court parallèlement à la chaussée antique. L’écartement des ornières correspond à la largeur généralement attribuée aux essieux gallo-romains. Simple chemin à vocation locale, sa création est antérieure à la première implantation romaine. Le matériel recueilli dans ses ornières (terra rubra, terra nigra et fragment d’amphore bétique) est insuffisant pour en proposer une datation précise.
Le site d’Elmer connaît ensuite trois phases d’aménagement successives : la première phase regroupe une série de trous de poteaux (de typologie diverse) et quatre fosses quadrangulaires. Ces vestiges appartenaient à une ou plusieurs constructions en bois (poteaux plantés, murs en torchis et toitures en matériaux périssables), sans qu’il soit possible d’attribuer un plan précis à cette installation primitive. Ici aussi, l’indigence du matériel archéologique recueilli dans ces structures ne permet d’avancer de datation ni pour la première occupation des lieux, ni pour la transition vers la phase suivante.
La seconde phase d’occupation voit le creusement d’un fossé ovalaire d’un diamètre de 50 m environ. Au centre de l’enclos prend place un vaste bâtiment rectangulaire en pierre qui, plus tard, recevra des adjonctions. Recoupé par le fossé, le chemin primitif est alors abandonné.
Le tracé du fossé est tangent à la voie romaine. Il présente une largeur moyenne de 3 m et un profil en cuvette. À l’est et à l’ouest, il s’interrompt sur une distance de 4 m : ces deux ouvertures sont implantées selon un axe perpendiculaire à la voie romaine. Ce fossé ne constitue en aucun cas un système défensif : il est destiné en premier lieu à assurer le drainage du site dont l’humidité est attestée tant sur le plan archéologique que sur le plan toponymique. Doublé d’un talus intérieur, il a cependant dû jouer aussi le rôle d’une simple clôture.
L’élément principal de la seconde phase d’occupation consiste en un édifice rectangulaire de 11 m sur 21 m, aux murs maçonnés. Il est implanté au centre de l’enclos. Orienté est-ouest, il est implanté perpendiculairement à la chaussée Metz-Tongres à laquelle il est relié par un empierrement. Selon toute vraisemblance, l’accès principal de l’édifice devait être situé sur son pignon ouest.
Les dimensions de l’édifice rectangulaire s’apparentent à celles généralement retrouvées dans les habitations des agglomérations routières romaines : comme elles, le bâtiment d’Elmer devait être entièrement couvert d’une toiture constituée, au moins partiellement, de tuiles. Le soin apporté à l’installation des fondations de l’édifice témoigne d’une élévation conséquente de ses murs : il ne peut donc s’agir ici d’un simple espace clôturé à ciel ouvert.
Dans une troisième phase d’occupation, sans doute chronologiquement proche de la précédente, l’édifice rectangulaire primitif est doté d’une aile méridionale comprenant un cellier et un petit balneum. La construction ex novo de la nouvelle aile évite manifestement toute reprise de fondations antérieures.
Dotée de deux niches et d’un soupirail, la cave mesure 2,7 m sur 4 m. Elle est construite en moellons de calcaire et de tuffeau dont la disposition offre un motif décoratif. Elle est équipée d’un système de drainage. On y accède par un long couloir muni d’un escalier qui prend naissance dans l’édifice rectangulaire initial.
Quant au balneum, il est composé d’une vaste pièce partiellement chauffée par hypocauste, support probable d’une baignoire chaude et dont le praefurnium est aménagé du côté nord. Au sud, le frigidarium se limite à une exèdre renfermant une baignoire vidangée par un caniveau à ciel ouvert.
L’abandon définitif du relais d’Outrelouxhe correspond au nivellement des structures hors sol et au comblement de toutes les structures en creux. Le matériel numismatique et plus spécialement céramique (2972 fragments dont 351 individus) récolté dans ces structures, a permis de caractériser un horizon final précédent l’abandon du site, daté du troisième quart du IIIe siècle.
Sur le plan archéologique, l’identification matérielle d’un relais routier est souvent malaisée, d’autant que l’on possède peu d’éléments de comparaison. À Outrelouxhe, l’interprétation fonctionnelle du site est en outre limitée par l’état lacunaire des vestiges conservés. L’hypothèse d’un relais routier peut néanmoins se fonder sur trois paramètres principaux : son contexte d’implantation, sa typologie et les d’activités qui y étaient pratiquées.
Ainsi, l’établissement romain d’Elmer à Outrelouxhe illustre un type de station routière isolée, établie en milieu rural, qui devait se rencontrer fréquemment le long des voies principales dans tout l’empire romain, mais qui reste encore peu connue dans nos régions
Bibliographie
Vue générale de l’aile sud du relais.
Vue de l’escalier de la cave.